Ce Liban qui ne s'appartient pas
10'230 km2 et les frontières les moins sûres du Proche Orient, le Pays du Cèdre est à la merci du moindre soubresaut politico-diplomatique à 2' 000 kilomètres
Tracez les frontières d'un pays et n'en tenez pas compte : vous venez de concevoir le Liban de ces trente-cinq dernières années. Trente-cinq ans d'un hold-up géopolitique, d'une prise d'otages à grande échelle. Trente-cinq ans que le pays du Cèdre, l'« exemple » du multi confessionnalisme subit les affres des drames voisins. Depuis l'arrivée des Palestiniens chassés d'Israël puis de Cisjordanie et de Gaza jusqu'à la récente agression israélienne, les Libanais ont dû tenir compte de toutes les influences et de toutes les menaces extérieures pour maintenir l'idée d'un Etat indépendant.
2400 violations de l'espace aérien en un an
La tutelle de la Syrie
Le Liban est faible. Son armée est faible. Ses alliés sont peu empressés de le soutenir. Quand le premier ministre Fouad Siniora affirme que les militaires libanais pourraient, en cas de nouvelle agression, faire le coup de feu contre Tsahal, il tient un discours courageux de politique intérieure en revendiquant l'existence effective de l'Etat sur l'ensemble du territoire national. Une revendication nécessaire pour que survive le gouvernement de coalition soutenu par une majorité parlementaire hétéroclite (le « Groupe du Futur » sunnite de Saad Hariri, fils de l'ancien premier ministre assassiné, les élus du Parti Socialiste Progressiste du Druze Walid Joumblatt, des parlementaires chrétiens) regroupée au sein des « Forces du 14 mars ».
On perpétue une vieille tradition
Parce que l'unité de façade des Libanais n'a pas tenu bien longtemps. Le Hezbollah, reste, malgré le renforcement de son image résistante, malgré ses succès électoraux, malgré sa participation au gouvernement, un corps étranger au Liban politique. Dans l'esprit des champions d'un Liban libre des influences extérieures, il représente l'archétype du « parti de l'étranger ».
Si la gauche laïque lui accorde le crédit de son importance sociale et politique, les politiciens traditionnels le considèrent surtout comme un danger public.
C'est le Hezbollah qui dicte les règles du jeu, qui déclare qu'il ne désarmera pas, qui ridiculise l'Etat en dédommageant par des dons de dix mille dollars, les propriétaires des quinze mille maisons détruites par les Israéliens afin qu'ils puissent faire
face aux besoin d'urgence, qui poursuit sa stratégie sociale en développant des dispensaires, des hôpitaux, des écoles. Le Hezbollah se substitue à l'Etat libanais auprès des populations les plus déshéritées. Et il n'est nul besoin de s'interroger sur l'origine des fonds dont il dispose : « c'est l'Iran », clament les responsables de l'organisation. Alors certaines voix s'élèvent pour dénoncer la prise en otages de tous les libanais par le mouvement chiite… au service de ses « maîtres syriens et iraniens ».
Le problème est que le Hezbollah ne fait que perpétuer une vieille tradition. Depuis sa création en 1941, le Liban est multiple. Chaque communauté confessionnelle est maîtresse d'un territoire, dépositaire d'une puissance politique et économique. L'Etat a toujours fédéré les baronnies chrétiennes, druzes ou sunnites. Les chiites ont pris leur sort en main plus récemment. Plus radicalement aussi. Et l'idée d'un Liban laïc n'a pas encore fait son chemin. Mais les dirigeants des « Forces du 14 mars » n'ont pas jeté l'anathème sur le sheikh Nasrallah. Préserver les chances d'un dialogue national reste la priorité.
Ce sont les Israéliens, Syriens et Iraniens qui sont voués aux gémonies : Israël fait semblant d'envisager que l'armée libanaise sera en mesure de contribuer au désarmement de la milice chiite, la Syrie
Ron Linder (Gauchebdo 25 aoüt 2006)